Ombres de mes livres

 

… où j’ai cherché à esquisser les silhouettes des 
premiers possesseurs de mes livres anciens.
 
 
 
Mgr Charles Montault des Isles, évêque d'Angers (1755 -  1839)
et Joséphine de Messemé
Le livre :

Lhomond  :

Doctrine Chrétienne

à Angers, chez Auguste Mame, 1821
Le fer du possesseur :


Ecu timbré d’un chapeau épiscopal et d’une toque de baron d’Empire :

« D'azur à deux mortiers d'argent posés en pal ;
quartier des barons-évêques brochant sur le tout »

 




Quelques années plus tard (1829) il remplacera sur ses livres
la toque et le quartier de baron-évêque par une couronne.
Le livre, en maroquin rouge à long grain, est l'exemplaire personnel de l'évêque qui le transmettra à sa petite-nièce.
Mgr Montault des Isles avait fait éditer à la même date d'autres exemplaires du même livre, portant le même fer mais reliés en veau moucheté.
Un de ces livres à couverture en veau est présenté, à la page 181, dans l'ouvrage "Reliures impériales", catalogue de la bibliothèque napoléonienne de Gérard Souham réalisé en 2004 par Anne Lamort.


Mgr Charles Montault des Isles
(Loudun, 30 avril 1755 - Angers, 29 juillet 1839)

Avocat au Barreau de Paris

Vicaire de Loudun



Evêque constitutionnel de la Vienne

Evêque d'Angers



Baron d'Empire


Chevalier de la Légion d'Honneur
La difficile carrière d'un évêque sous la Révolution et l'Empire
Du barreau à la crosse :

Charles Montault commence sa carrière comme juriste. Licencié en droit en 1773, il devient avocat et s'inscrit au Barreau de Paris.


Ce n'est qu'à l'âge de 25 ans qu'il entre au séminaire de Saint-Sulpice à Paris.

Il est nommé vicaire à Loudun en 1783.

En début 1791, à la surprise de son entourage qui connait sa rigueur doctrinale, Charles Montault des  Isles accepte de prêter serment à la Constitution civile du clergé et d'occuper le poste de vicaire général de l'évêque constitutionnel basé à Poitiers.

Il deviendra ensuite évêque constitutionnel de la Vienne (1791-1795) et évêque d'Angers (1802-1839).
Evêque constitutionnel de la Vienne :

Charles Montault des Isles est sacré, le 23 octobre 1791, évêque constitutionnel de la Vienne.

Rapidement il s'oppose aux autorités révolutionnaires et sauve des prêtres réfractaires et des religieuses. Sa droiture et sa douceur lui valent la haine de la " Société populaire de Poitiers" qui demande sa mise en accusation. On l'arrête à la fin de juillet 1793 dans son propre palais transformé en prison pour les suspects. Il vit deux ans dans une sorte de retraite, sans remplir aucune fonction épiscopale et cependant sans donner sa démission.


En 1794 il est transporté de Poitiers à Paris pour y être jugé et guillotiné. Il arrive dans la capitale le lendemain de la mort de Robespierre, ce qui le sauve. Il n'en a pas moins à subir une captivité de six mois dans les prisons de la Conciergerie. Grâce à l'intervention de Madame Blondet, sa sœur, il est enfin mis en liberté.

Entre 1797 et 1800 l'évêque construit à Loudun l'Hôtel des Isles. Il y réside entre ses deux postes épiscopaux et y accueille des membres de sa famille dont Joséphine (cf. au bas de cette page). Sur sa commande de belles boiseries ornent le grand salon de l'hôtel.
Evêque d'Angers :

En 1800 le frère de l'évêque, Pierre Montault des Isles, est nommé préfet de Maine-et-Loire.  Le concordat entre Bonaparte et le pape Pie VII est signé en 1801 et entraine la démission de tous les évêques de France. Le préfet Montault obtient de faire nommer son frère évêque concordataire d'Angers en avril 1802.

Ses débuts dans son nouveau diocèse sont difficiles. Son passé d'ancien évêque constitutionnel est peu apprécié.

Face à l'opposition d'anciens réfractaires le nouvel évêque assoit son autorité très progressivement. Il nomme seulement 34 curés (qui sont inamovibles et disposent d'une certaine autonomie). Les 362 autres paroisses deviennent des succursales, confiées à de simples desservants, sur lesquels l'évêque peut exercer plus d'emprise. L'évêque fixe par ordonnance, en décembre 1802, les limites de plusieurs paroisses angevines, notamment dans le Saumurois.

Quelques opposants, hostiles au Concordat et prolongeant les traditions de l'Ancien Régime, se regroupent dans la Petite Eglise, implantée en Anjou autour du curé de Saint-Paul-du-Bois. Ils restent en tout petit nombre.

Mgr Montault des Isles est nommé baron d'empire en 1808 avec transmission à l'un de ses neveux.
Une fin de vie paisible :

Après la période révolutionnaire et impériale, la Restauration et la Monarchie de Juillet sont plus tranquilles pour Mgr Montault des Isles.

Les opposants se sont tus progressivement et l'unanimité se fait autour de l'évêque d'Angers considéré maintenant comme un "saint homme".

C'est donc au milieu des regrets qu'il s'éteint en juillet 1839. Il repose dans la cathédrale d'Angers sous une colonne de marbre noir.
Un ex-libris manuscrit de la petite-nièce de Mgr Montault, Joséphine de Messemé :
 
 

Le livre comporte une marque manuscrite apposée en 1837 par Joséphine de Messemé qui vivait alors dans le château de son grand-oncle, Mgr Montault des Isles, à Loudun.
Joséphine de Messemé
(Loudun 14 juillet 1791, février 1879)

Fille du marquis Joseph Désiré de Messemé
et de Charlotte Montault des Isles

Petite-nièce de l'évêque d'Angers
La famille de Joséphine :

Joseph Désiré de Messemé est marquis de Messemé et seigneur de St-Christophe. Il est né en 1751 à Richelieu et décédé en 1821 à Loudun.

Dans l'escadre du comte d'Estaing, il fait, avec ce dernier la campagne d'Amérique, est fait prisonnier et échangé. Lieutenant de vaisseau en 1781, il remplit les fonctions de lieutenant des gardes du pavillon amiral au détachement de Brest. A bord du "Bourgogne" sous les ordres de Grasse, puis de Vaudreuil, il fait naufrage avec ce vaisseau sur les cotes du Venezuela en 1783. Il devient Chevalier de Saint-Louis en 1784.

Il sert à l'armée des princes en 1792, et en Amérique comme capitaine de Frégate de1796 jusqu'en 1802 dans la marine espagnole. En résidence à Loudun et au château de Messemé, il est retraité comme capitaine de Vaisseau sous la Restauration.

Son épouse, Charlotte Montault des Isles (1753 - 1839) est la fille du préfet Pierre Montault des Isles, frère de l'évêque.

Joséphine, restée célibataire, est la plus jeune des trois enfants du couple.

La famille de Messemé blasonne "de gueules, à six palmes d'or".
Une idylle enfantine avec David d'Angers :
 
Le Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest rapporte une rencontre entre Joséphine de Messemé et le futur artiste Pierre-Jean David d'Angers, chez Mgr Montault des Isles.

En effet le père de David d'Angers travaille durant 18 mois, à partir de 1797, à l'établissement de boiseries dans le château de l'évêque Montault des Isles à Loudun. Il est accompagné dans sa tâche par son fils Pierre-Jean, âgé alors de 9/11 ans.

L'enfant se montre très intéressé par la petite Joséphine qui vit au château de son grand-oncle et il en parlera en termes émus en 1842 :

« J'ai voulu, parvenu à l'âge d'homme, revoir Loudun, où j'avais passé dix-huit mois, à l'âge de neuf ans, mon père étant occupé à la décoration de la maison de M. Montault, plus tard évêque d'Angers. Mon père et moi étions à la journée. J'avais une jeune amie bien douce, bien spirituelle, ayant le même âge et les mêmes goûts que moi, mademoiselle de Messemé, nièce du prélat. C'était elle qui obtenait de mon père, extrêmement sévère pour moi , quelques instants de repos que nous passions en délicieuses causeries. Elle savait d'ailleurs me les rendre utiles par son instruction déjà remarquable et la noblesse de ses sentiments. Quand nous nous quittâmes, moi pour reprendre une existence de luttes et de pauvreté, elle pour continuer à vivre heureuse au milieu de tous les avantages du rang et de la fortune, elle m'annonça qu'elle renonçait au mariage, qu'elle penserait toujours à moi, et elle me souhaita toutes sortes de bonheurs. C'est au milieu d'une crise de larmes que se séparèrent deux jeunes enfants destinés à ne jamais se revoir. Je viens d'apprendre que mademoiselle de Messemé ne s'est pas mariée. Elle habite encore Loudun. La maison décorée par mon père est fermée. Les riches sculptures de la porte sont envahies par les herbes; les persiennes sont en lambeaux. J'ai collé mon œil à la fente d'une porte de service ouvrant sur une petite rue. J'ai reconnu tout ce qui avait frappé mon imagination enfantine, mais la terrasse où nous courions ensemble, ma petite amie et moi , est en ruine, et l'aspect de cette maison déserte est si mélancolique, que mon cœur s'est contracté comme lorsqu'on vient de perdre quelqu'un qui vous était cher ».
Sources :
 

 
> Vie de Mgr Charles Montault-Desilles ["sic"], évêque d'Angers, par J. Dumont

> Mgr Charles Montault des Isles sur Wikipédia
 
> François Marie Tresvaux , Histoire de la ville et du diocèse d’Angers,  1858, pages 523 à 542 


> Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest (1939)

> Montault Desilles, mésaventure d'un prélat pendant le Concordat
 
> Le Concordat à Saumur


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