Ombres de mes livres

 

… où j’ai cherché à esquisser les silhouettes des 
premiers possesseurs de mes livres anciens.
 
 
 
Marguerite Delphine Alphonsine de Valbelle - Tourves
( 1705 - 1784)
Le livre :

Plutarque :   Vie des hommes illustres

à Paris, chez Michel Glousier, 1721

 
Le fer du possesseur :

Deux écus identiques timbrés d’une couronne ducale
(le mari et la femme, tous deux de la famille Valbelle,
portent les mêmes armes)



« Écartelé: aux 1 et 4, de gueules à la croix de Toulouse d'or (de Forcalquier); aux 2 et 3, de gueule  au lion d'or, armé, lampassé et couronné du même (vicomtes de Marseille).
Sur le tout d'azur au lévrier d'argent, colleté de gueules »

Devise : "Fidelis et audax"; cri de guerre "Vertu et Fortune"
Marguerite Delphine Alphonsine
de Valbelle
( 24 septembre 1705, Trigance [Var] - 
5 juillet 1784, Meyrargues [Bouches-du-Rhône] )

marquise de Rians et de Tourves
baronne de Meyrargues
comtesse de Sainte-Tulles
dame de Trigance et de Lestelle,
etc.
La vie fastueuse dans une famille pas si ancienne qu'elle le prétendait.
Mariée à son cousin :

Marguerite de Valbelle, héritière de la branche des Valbelle-Tourves a épousé le 1er juillet 1723 à Aix-en-Provence son cousin André-Geoffroy de Valbelle (1701-1735), marquis de Rians et baron de Meyragues.

André-Geoffroy de Valbelle était mestre de camp de cavalerie, premier enseigne des gendarmes de la garde du Roi, conseiller du Roi en ses conseils, grand sénéchal de Marseille, l'un des quatre premiers barons aux États du Dauphiné, etc.

Par leur mariage les deux cousins réunirent les deux branches subsistantes de la famille Valbelle, les mettant à la tête d'une vingtaine de fiefs et de cinq châteaux.

Issus d'une des plus importantes familles de Provence et immensément riches, les deux époux menèrent une vie fastueuse dans leur château de Tourves et dans leur hôtel d'Aix en Provence, actuelle sous-préfecture.

Marguerite de Valbelle devint veuve en 1735 à l'âge de 30 ans mais ne mourut qu'en 1784, âgée de 78 ans.
Le château de Tourves :

A la mort de son mari Marguerite de Valbelle vécut principalement en son château de Tourves avec son fils Joseph-Alphonse-Omer.

Devenu en 1650 propriété des Valbelle et érigé en marquisat en 1678, le château de Tourves a été agrandi considérablement au XVIII° siècle.

Le château comprenait 50 pièces qui renfermaient des objets d'art et des tableaux en grand nombre (il en reste des tableaux de Rubens, Mignard, Van Loo, etc., au musée de Draguignan).

Selon l'historien aixois Roux-Alphéran la propriété était "le rendez-vous des hommes les plus galants et des dames les plus aimables de la province".

D'après Mirabeau le château de Tourves était une "cour d'amour" présidée par le plus magnifique seigneur de la Provence.
Le fils de Marguerite :

Joseph-Alphonse-Omer de Valbelle, comte de Tourves (1729-1778), est le fils de Marguerite.

Mestre de camp du régiment de Berry-Cavalerie (1749), maréchal de camp (1762) et lieutenant-général de Provence, il s’illustre à plusieurs reprises lors de ses campagnes.

Mais il est surtout connu pour avoir été l’amant de l’actrice Mademoiselle Clairon pendant dix-neuf ans. En 1773 il s’installe définitivement à Tourves où il mène grand train.

Il meurt à Paris en 1778. Sa mère lui construit un superbe mausolée dominée par un buste de Houdon.
La fête à Trigance :

Devenue veuve Marguerite de Valbelle vivait principalement au château de Tourves. Elle ne venait que rarement dans ses fiefs éloignés.

C'est pourquoi quand elle décida de se rendre en 1753 à son château natal de Trigance, la population du village exprima "la joie et le plaisir de la voir dans le pays" et organisa une grande fête malgré ses ressources réduites.

Le conseil de Trigance décida d'offrir 150 poulets, un quintal "de beau lard", un quintal "de beau et bon jambon" et quatre veaux gras.

En outre, il acheta un quintal de poudre pour la bravade, fit venir deux tambourins et un fifre, et nomma un capitaine, un lieutenant, un sergent et un porte-enseigne chargés de "maintenir le bon ordre".
Un faux tombeau pour prouver l'ancienneté de la famille :

La famille de Valbelle était l'une des plus importantes de Provence. Elle a compté des capitaines des galères, des présidents et conseillers au parlement d'Aix, trois évêques de Saint-Omer, un lieutenant du roi en Provence, etc.

Il était donc essentiel pour le prestige de la famille de souligner son ancienneté.


En 1719 l'Histoire de la principale noblesse de Provence mentionnait des actes des barons de Valbelle remontant à 1150 et évoquait leur participation aux croisades. Elle indiquait qu'ils descendaient des vicomtes de Marseille et des princes souverains de Forcalquier (cette ascendance apparait dans le blason des Valbelle). Une longue généalogie se déroulait ensuite pour souligner les exploits des Valbelle durant les siècles suivants.

C'est seulement en 2002 que des travaux universitaires ont démontré que cette ascendance était largement inventée. En réalité les premières traces des Valbelle remontent seulement à la fin du XIV° siècle : Barthélémy Valbelle, "maître savetier" au Beausset en 1398, son fils Jean, "laboureur" à la Cadière en 1448, son petit-fils Barthélémy, syndic à la Cadière en 1477, et son arrière peitit-fils Honoré, "marchand droguier" (apothicaire) qui testa en 1500 au Beausset.

Comes de Valbelle (1515-1578), fils d'Honoré, fut lieutenant des galères à Marseille et c'est avec lui seulement que commença l'ascension de la famille. Son fils Léon de Valbelle (1562-1644), capitaine des galères, devint le premier seigneur de Tourves. Pierre-Bruno de Valbelle, dit le "Commandeur de Montfuron" (1636-1702), commandeur de l'ordre de Malte, était chef d'escadre des armées navales dans la marine royale.


Les Valbelle avaient le souci de ne pas apparaître comme des hommes nouveaux.Plusieurs faux mémoires ont été édités pour tenter de faire remonter au XII° siècle l'ancienneté de la famille.

Mais ils firent bien plus...


La famille de Valbelle profita de la reconstruction de l'église des Grands-Carmes à Marseille au XVII° siècle pour édifier un faux tombeau portant une inscription latine en l'honneur de "Barthélémy de Valbelle, de la Garde, chevalier, de l'antique race des vicomtes de Marseille".
Sources :
 
> Eugène Olivier, Georges Hermal, Robert de Roton : Manuel de l'amateur de reliures armoriées françaises, planche  1740
 
> Page Wikipédia de la famille de Valbelle

> Page Wikipédia de Joseph-Alphonse-Omer de Valbelle
 
> Germain Butaud et Valérie Piétri : Les enjeux de la généalogie, XII°-XVIII° siècle, éditions Autrement (pages 267-268)

>  B. de Maynier : Histoire de la principale noblesse de Provence, avec les observations des erreurs qui y ont été faites par les précédens historiens... un Traité général de la différence de chaque espèce de noblesse... et une explication des monnoyes anciennes qui ont eu cours en Provence...,  chez J. David, 1719 (pages 267 à 271)

 
> Le château de Valbelle

> "Oeuvres et chefs-d'oeuvre du château des Valbelle-Tourves", plaquette du Musée municipal de Draguignan, 1992

> Michel Vergé-Franceschi: Toulon port royal 1481-1789, Tallandier, 2002, ISBN 2-84734-001-7 (pages 51-52)
 
> Octave Teissier, « Un Grand Seigneur Au XVIIIe Siècle, le Comte de Valbelle »

> Dr Gabriel : Origine de la famille de Valbelle, Provence Historique, Université d'Aix-en-Provence

 

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